Une bouffée d’air de Romandie

Publikationsdatum und Medium unklar, irgendwann im September 1998.

La guérilla des néonazis

Dure semaine pour la police vaudoise. L’annonce d’un rassemblement néo-nazi a littéralement affolé les responsables de l’ordre public du canton. Lundi dernier, le Conseil d’Etat donnait son accord pour les concerts rock que des skinheads suisses et étrangers voulaient donner en terre vaudoise. Mardi, le chef du département de la sécurité et de l’environnement, Jean-Claude Mermoud, faisait marche arrière. L’autorisation était refusée.

Surprenant revirement que le conseiller d’Etat Mermoud (UDC) a tenté de justifier. Au départ, il pensait que la manif ne serait qu’un concert comme ceux qui avaient déjà eu lieu à L’Abergement (300 personnes) et à Concise (350 personnes). Les 40 policiers qui ont surveillé l’un des concerts ont dit que les skinheads avaient été «d’une parfaite correction». Mermoud a donc donné le feu vert en se fondant sur le principe de la liberté de réunion et d’opinion.
Le lendemain, le gouvernement se rendait compte qu’il pourrait y avoir entre 1000 et 1500 «crânes rasés» suisses et étrangers. Des dérapages étaient à craindre. C’est qu’entre-temps Jean-Claude Mermoud avait reçu un rapport de la sûreté vaudoise. Le Ministère public de la Confédération l’avait aussi alerté. Du coup, le Conseil d’Etat décidait d’interdire le rassemblement. Et cette fois-ci, au nom du maintien de l’ordre public et de la lutte contre le racisme.
C’est l’éternel dilemme. On peut tolérer une manifestation de l’extrême-droite pour respecter les libertés que défend notre Etat de droit. Mais on ne peut pas le faire si le contenu des chansons et des propos tenus publiquement contrevient à la loi contre le racisme. Or, les paroles des chansons sont souvent de véritables appels à la haine raciale. En donnant le feu vert, le Conseil d’Etat avait sous-estimé le risque de dérapages et d’actes de violence. Mais pouvait-il dire oui alors que les organisateurs dissimulaient le lieu du rassemblement?
C’est une partie de cache-cache qui s’est jouée entre les skinheads – représentés par le groupe «Hammerskin Romandie» qui vient du canton de Neuchâtel – et les autorités vaudoises. On sait maintenant où les concerts devaient avoir lieu. Le journal «Le Temps» l’a révélé hier. C’est dans la cantine de la société de tir de l’Abbaye des carabiniers, à l’entrée du village de La Sarraz. Un jeune couple était venu demander la permission d’y tenir une réunion pour célébrer le retour d’Afrique d’un ami! C’était en fait «Hammerskin Romandie» qui voulait un local pour accueillir 1500 skinheads venus de toute l’Europe.
Aux dernières nouvelles, on a pu apprendre que la réunion serait déplacée en Allemagne, dans la région de Dresde. Si tel est le cas, la police et les autorités vaudoises vont pous- ser un «ouf» de soulagement. Mais les policiers seront tout de même sur pied de guerre. Il faudra vraiment que nos autorités apprennent à gérer le phénomène skinhead. La Suisse romande est devenue un lieu privi- légié pour cette guérilla idéologique que mènent les groupes d’extrême-droite contre nos démocraties. Que vaut encore le principe de la liberté d’expression face à la ruse et la dissimula-tion des néo-nazis? Ce sont là les méthodes d’une stratégie dangereuse dont le but est d’intoxiquer les esprits et de faire avaler les ignobles mensonges du révisionisme.