Menace néonazie sur le futur centre islamique

24 heures: Des croix gammées et des inscriptions menaçantes ont été taguées sur le chantier de la halle qui abritera le centre musulman

Anne Rey-Mermet

L’étonnement et la consternation régnaient hier à Payerne après la découverte ce week-end de tags néonazis sur le chantier de la halle qui abritera le futur centre culturel musulman. «Nous sommes profondément choqués par cet acte, soupire Ekrem Azemi, membre de la communauté musulmane de Payerne. Lorsque notre projet a été rendu public, au début du mois d’avril, nous n’avons reçu que des réactions positives, des messages de félicitations. Nous ne nous attendions pas à ça. » Des croix gammées et des inscriptions ont été sprayées sur un tas de planches, ainsi que sur les portes de la construction, comme le révélaitLa Libertédans son édition d’hier. Le propriétaire de la halle, qui abritera le centre ainsi que plusieurs entreprises artisanales, a porté plainte hier pour dommages à la propriété.

La communauté musulmane de Payerne doit décider si elle en déposera également une, pour incitation à la haine raciale cette fois. «Nous allons probablement le faire, juge Ekrem Azemi. Ensuite nous laisserons la justice faire son travail et découvrir qui sont les responsables. Nous n’aimerions pas que les gens qui ont l’intention de fréquenter le centre se sentent menacés. » Et pour cause: l’inscription«This is just the beginning», «Ce n’est que le début», en anglais, semble sous-entendre que d’autres actes pourraient être commis. «Depuis vingt ans que je suis à Payerne, on ne m’a jamais lancé de piques ou agressé à cause de ma religion», tempère Ekrem Azemi. Le chef-lieu de la Broye compte plus de 1200 musulmans. Actuellement, les fidèles doivent se rendre à Fribourg ou à Moudon pour prier. Un projet de centre avait été lancé en 2011 mais avait capoté parce que le lieu choisi n’était pas adapté(lire ci-contre).

Condamnation ferme

Les autorités communales, tout aussi surprises, condamnent fermement ces actes qualifiés d’«odieux». «C’est intolérable, il faut tout faire pour retrouver celui ou ceux qui ont fait ça, pour qu’ils mesurent la gravité de leur acte», estime la syndique, Christelle Luisier Brodard. «Tant le propriétaire que la communauté musulmane se sont tournés vers nous, nous les avons encouragés à déposer une plainte. »

Elle ajoute que l’annonce du projet de centre musulman, qui a fait la une du journal local il y a quelques semaines, n’avait suscité aucune réaction.

Acte sans précédent

Président de l’Union vaudoise des associations musulmanes, (UVAM), Pascal Gemperli ne se souvient pas d’autres cas du genre survenus dans le canton à l’encontre de cette communauté, voire dans le pays en général. «On entend parfois parler de ce type d’actes en France. La Suisse est un pays plutôt calme, les gens sont habitués à exprimer leur désaccord par d’autres moyens que la violence. » Le président de l’UVAM, tout comme la communauté musulmane de Payerne, se dit ouvert au dialogue malgré tout. «Je ne pense pas que quelqu’un va se présenter à nous en affirmant être l’auteur des tags, mais si les auteurs venaient s’excuser, nous serions tout à fait prêts à discuter. »

Un premier projet a capoté en 2011

ULa communauté musulmane de Payerne avait déjà lancé un projet de centre en 2011. Elle souhaitait transformer un ancien bureau d’architecte situé dans le quartier de la Blancherie. La Municipalité avait à l’époque refusé le permis de construire, jugeant qu’une zone résidentielle n’était pas adaptée, que les locaux étaient trop petits et le nombre de places de parc trop restreint. «Tout ça, ce sont des problèmes pratiques, juge Ekrem Azemi. Rien à voir avec une volonté de nous empêcher de nous installer. »

Avec l’appui des autorités, les musulmans de Payerne ont trouvé un toit dans cette halle en construction dans la zone industrielle de la Boverie. Une situation assez proche de la ville, qui permet de venir à pied. La communauté sera locataire d’une partie de 180 m2qui comprendra une mosquée, un espace de rencontre et une cafétéria. Le centre devrait ouvrir le 28 juin, date symbolique pour les musulmans, puisqu’elle marquera le début du ramadan.