Le jeu du chat et de la souris

Le Nouvelliste: SAXON/FULLY Une réunion de sympathisants d’extrême droite a été interdite à Saxon. Mais une vingtaine de personnes se sont retrouvées dans les locaux d’une fanfare de Fully.

Les polices cantonales romandes étaient sur les dents. Il y a quelques jours, le Conseil d’Etat vaudois interdisait une manifestation de sympathisants d’extrême droite. «On pensait bien qu’ils allaient se réunir ailleurs, alors on se tenait prêts», explique Jean-Marie Bornet, porte-parole de la police. Du coup chaque canton tenait des effectifs prêts à intervenir ou à soutenir un autre canton.

Annulée à Saxon…

Grâce aux informations partagées entre les différentes polices cantonales et la Confédération, les recherches ont amené les pandores samedi dans l’après-midi sur le parking d’un centre commercial de Riddes. Ce n’était qu’un point de passage, la destination finale étant la cantine de l’ancien terrain de football de Saxon, à côté du Casino.

«Vers 16 heures, alors que les premiers participants arrivaient sur le lieu de la rencontre, la police cantonale a déployé un important dispositif composé de 80 agents. Ces moyens ont permis de cerner les lieux, d’identifier tous les participants et les organisateurs et d’interdire la manifestation», explique Jean-Marie Bornet. Un procureur avait également été dépêché sur place pour faciliter la procédure en cas de violation pénale selon le Ministère public.

L’intervention a été rendue possible parce que la manifestation n’avait pas été annoncée à la commune. «Les locaux appartiennent bien à la commune, mais ils sont loués au club de plongée du village», explique le vice-président de la commune Christian Roth qui s’est rendu sur place aussitôt. «Le Conseil communal qui se réunit ce soir prendra les mesures en fonction des résultats de l’instruction.»

Jean-Marie Favre, président de Delphin Pro, le club des plongeurs, reconnaît avoir prêté le local à «un membre passif pour organiser un apéro de remerciements». Il n’a appris la véritable raison qu’au moment du déploiement de police. «J’ai été très surpris, si on avait su, nous n’aurions pas loué nos locaux.»

Craignant que la réunion se tienne ailleurs, les autorités cantonales ont émis une interdiction de réunion sur tout le territoire. Une décision discutée au sein du Conseil d’Etat entre Oskar Freysinger, chargé de la sécurité (qui était en Allemagne, voir ci-dessous), et Esther Waeber-Kalbermatten, la présidente.

… mais organisée quand même à Fully

La même mésaventure est arrivée quelques kilomètres plus loin, à Fully. En effet, si la police a empêché la tenue de la réunion à Saxon et dispersé les participants, une vingtaine de membres se sont tout de même retrouvés dans ce village à la salle de l’Avenir, au-dessus du café du même nom. Le local sert de salle de répétition à la fanfare PDC L’Avenir.

Philippe Terrettaz, président de la société, apprend par «Le Nouvelliste» l’utilisation surprenante de cette salle. «Les locaux du café et de la salle appartiennent bien à la fanfare, mais la location est confiée à la gérante du café.» Une gérante qui n’était pas joignable hier, mais au café on nous répond sur un ton excédé, «que la salle a été louée à un gars de Fully». On n’en saura pas plus.

Philippe Terrettaz, lui, regrette d’être mis devant le fait accompli. «Je suis gêné. La fanfare est prise en otage et je crains qu’on ne fasse l’amalgame avec notre société.» Là aussi, les autorités communales confirment qu’aucune autorisation n’a été délivrée.

Même si la réunion a eu lieu à Fully, Jean-Marie Bornet ne considère pas cette opération comme un échec. «Nous savions qu’ils pouvaient se retrouver ailleurs, même dans la maison d’un des membres. Il n’y avait qu’une vingtaine de personnes, mais nous ne pouvons pas suivre chaque participant qui est parti de Saxon.»

Pour lui, la police a les informations nécessaires pour enquêter. «Les personnes ont été identifiées et il s’agira maintenant d’établir les responsabilités de chacun. Notamment de déterminer si une facture sera établie pour l’engagement d’autant de monde.» Les juristes devront établir notamment si les personnes qui n’auraient pas respecté la notification de l’interdiction de rassemblement sont passibles de procédures.

OSKAR FREYSINGER A BERLIN POUR UNE RÉUNION DE LA DROITE POPULISTE ALLEMANDE

Ironie du calendrier, au moment où «ses» policiers intervenait samedi pour interdire la réunion d’extrême-droite à Saxon, Oskar Freysinger participait à Berlin à une conférence sur la sauvegarde de la liberté d’opinion organisé par le magazine de la droite populiste allemande, Compact. Une réunion souvent qualifiée d’extrême-droite. «Je m’érige contre la qualification d’extrême droite de cette réunion. Il n’y avait personne du NPD (ndlr : parti néonazi allemand), mais des représentants de l’AfD, de Pegida et des élus régionaux de gauche.»

Pour le conseiller d’Etat, la participation à cette conférence n’a rien à voir avec l’extrême-droite. «L’entrée est contrôlée et ne rentre pas qui veut. Et s’il y avait eu des crânes rasés et des nazis, je n’y aurais simplement pas participé.» LS