L’extrême droite et la police jouent au chat et à la souris

Les polices cantonales romandes étaient sur les dents. Il y a quelques jours, le Conseil d’Etat vaudois interdisait une manifestation de sympathisants d’extrême droite. «On pensait bien qu’ils allaient se réunir ailleurs, alors se tenait prêt», explique Jean-Marie Bornet, porte-parole de la police valaisanne. Chaque canton tenait des effectifs prêts à intervenir.

Les recherches ont amené les pandores samedi dans l’après-midi sur le parking d’un centre commercial de Riddes en Valais. Ce n’était qu’un point de passage, la destination finale étant Saxon. «Vers 16 heures, alors que les premiers participants arrivaient sur le lieu de la rencontre, la Police cantonale a déployé un important dispositif composé de 80 agents. Ces moyens ont permis de cerner les lieux, d’identifier tous les participants et les organisateurs et d’interdire la manifestation», explique Jean-Marie Bornet.

Pour «un apéro de remerciement»

L’intervention a été rendue possible, parce que la manifestation n’était pas annoncée. «Les locaux appartiennent bien à la commune, mais ils sont loués au club de plongée du village», explique le vice-président de la commune Christian Roth. «Le conseil communal qui se réunit lundi soir prendra les mesures en fonction des résultats de l’instruction.» Jean-Marie Favre, président de Delphin Pro, le club des plongeurs, reconnaît avoir prêté le local à «un membre passif pour organiser un apéro de remerciement.» Il n’a appris la véritable raison qu’au moment du déploiement policier. «J’ai été très surpris, si on n’avait su nous n’aurions pas loué nos locaux.» Craignant que la réunion se tienne ailleurs, les autorités cantonales ont émis une interdiction de réunion sur tout le territoire

La même mésaventure est arrivée quelques kilomètres plus loin, à Fully. En effet, si la police a empêché et dispersé la tenue de la réunion à Saxon, une vingtaine de membres se sont retrouvés dans ce village dans un local qui sert à la fanfare. Contacté, son président, Philippe Terretaz, apprend sur le moment l’emploi de la salle. «Les locaux du café et de la salle appartiennent bien à la fanfare, mais la location est confiée à la gérante du café.» Une gérante injoignable hier, mais au café on répond sur un ton excédé, «que la salle a été louée à un gars de Fully.» Philippe Terretaz regrette d’être mis devant le fait accompli. «La fanfare est prise en otage et je crains qu’on ne fasse l’amalgame avec notre société.» Là aussi, les autorités communales confirment qu’aucune autorisation n’a été délivrée.

Pas un échec policier

Même si la réunion a pu avoir lieu, Jean-Marie Bornet ne voit pas l’opération comme un échec. «Nous savions qu’ils pouvaient se retrouver ailleurs, même dans la maison d’un des membres. Il n’y avait qu’une vingtaine de personnes, mais nous ne pouvons pas suivre chaque participant qui est parti de Saxon.» Pour lui, la police a les informations nécessaires pour enquêter. «Les personnes ont été identifiées et il s’agira maintenant d’établir les responsabilités de chacun. Notamment de déterminer si une facture sera établie pour l’engagement d’autant de monde.» Les juristes devront établir notamment si les personnes qui n’auraient pas respecté la notification de l’interdiction de rassemblement sont passibles de procédures. LAURENT SAVARY

FREYSINGER À UNE CONFÉRENCE D’UN MAGAZINE DE DROITE

Ironie du calendrier, au moment où «ses» policiers intervenaient samedi pour interdire la réunion d’extrême droite à Saxon, Oskar Freysinger participait à Berlin à une conférence sur la sauvegarde de la liberté d’opinion organisé par le magazine de la droite populiste allemande, «Compact». Une réunion souvent qualifiée d’extrême droite. «Je m’érige contre la qualification d’extrême-droite de cette réunion. Il n’y avait personne du NPD (réd: parti néonazi allemand), mais des représentants de l’AfD, de Pegida et des élus régionaux de gauche.» Pour le conseiller d’Etat, la participation à cette conférence n’a rien à voir avec l’extrême droite. «L’entrée est contrôlée et ne rentre pas qui veut. Et s’il y avait eu des crânes rasés et des nazis, je n’y aurais simplement pas participé.»