GROSSE CRISE DE CONFIANCE À BERNE

Le Matin: NÉONAZIS Une fuite au sein d’une commission du Conseil national délibérant sur un concert de l’extrême droite provoque le dépôt d’une plainte pénale sous la Coupole.

Ça chauffe à la Commission de la politique de sécurité (CPS) du Conseil national. La confidentialité de ses délibérations a été trahie par un des membres. Alors qu’elle siégeait en début de semaine pour des questions budgétaires, la CPS a entendu mardi matin le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC), Markus Seiler. Celui-ci a donné des informations confidentielles sur la réunion d’extrémistes de droite survenue samedi dernier dans le canton de Saint-Gall.

Deux heures seulement après ses explications, un journaliste alémanique contactait la présidente de la CPS, Corina Eichenberger-Walther (PLR/AG), pour lui demander si elle confirmait les propos tenus par le chef du SRC devant les membres!

Hier, celle-ci a communiqué: «Ces indiscrétions ont été sévèrement critiquées par la commission, qui est tenue de respecter la confidentialité.» Du coup, elle va déposer une plainte pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction. Il reste à trouver qui est le «fuiteur» parmi les 25 élus de la CPS.

Pour Carlo Sommaruga (PS/GE), ancien président de la même commission, cette situation est fâcheuse: «J’y ai aussi été confronté. Mais cette fois, cela a provoqué un très fort agacement.» Le contexte est d’autant plus grave que cette fuite touche des informations données par le chef du SRC dans une affaire sensible qui prend de l’ampleur.

Dans les médias, il est ressorti finalement que le SRC était au courant de la manifestation et qu’il avait informé les polices cantonales, dont celle de Saint-Gall. Samedi dernier, sur la commune de Wildhaus-Alt St.-Johann (SG), des milliers de néonazis se sont réunis dans une halle polyvalente à la barbe des autorités locales. Le président de cette commune a déclaré qu’il s’attendait à un concert pour quelque 600 personnes et estime avoir été trompé.

Au total, ce sont entre 5000 et 6000 sympathisants d’extrême droite qui sont arrivés en véhicules privés depuis l’autre côté du Rhin pour assister à cette «Rocktoberfest». Le flyer de l’événement donnait rendezvous à Ulm (D) et la destination helvétique a ensuite été communiquée par téléphone. «Je n’ai pas connaissance d’une soirée de concerts de groupes néonazis de cette ampleur en Europe de l’Ouest», a précisé Hans Stutz, le spécialiste des mouvements d’extrême droite. Le conseiller national Cédric Wermuth (PS/AG) a ironisé hier dans un tweet: «Un concert avec 6000 néonazis! Le Service de renseignement était trop occupé à surveiller les 12 burqas du pays!»

Cinq groupes invités

Ce serait l’organisation internationale néonazie Blood and Honour qui a lancé l’invitation. A l’affiche: cinq groupes d’extrême droite, dont les musiciens du groupe bernois Amok, déjà condamnés pour des textes négationnistes ou des appels au meurtre.

A la suite de cet événement, la Fondation contre le racisme a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public saint-gallois pour violation de la norme pénale contre le racisme. La commune envisage de déposer une plainte contre les organisateurs.

eric.felley@lematin.ch

«Ces indiscrétions ont été sévèrement critiquées par la commission»

Corina Eichenberger-Walther, conseillère nationale (PLR/AG), présidente de la CPS